Les débats qui agitent notre profession aujourd'hui me paraissent très étrangers, je m'en rends compte. Non que je ne me sente pas concernée par un avenir qui m'inquiète. Mais je ne peux pas croire qu'on puisse vouloir enlever aux professeurs documentalistes leur mission d'enseignement .
Pourquoi ?
Il y a dix ans je pense que j'aurais été très ébranlée par des discours voulant nous rapprocher de la vie scolaire et d'une vision éducative de notre mission. Je me serais dit : "Mince, j'ai passé un concours d'enseignement pour enseigner et je me retrouve éducatrice et gestionnaire. Cela ne me convient pas. Changeons de métier".
Lors d'un moment de doute, d'ailleurs, j'ai failli le faire.
Puis j'ai vu autour de moi le monde qui se transformait. Le développement de Google, de Wikipedia, des blogs puis des réseaux sociaux, cette invasion de l'information...
Avec l'information livresque, encyclopédique, stable et vérifiée, notre travail était d'en donner l'accès aux élèves et de les former à la retrouver.
Mais nous passions à une société dans laquelle l'accès à l'information ne passait plus par nous. D'autres questions surgissaient : comment évaluer la fiabilité d'une information ? Comment les moteurs de recherche choisissaient-ils de donner accès aux sites (classement des résultats, conciliations de Google avec certains gouvernements ...) Le mythe de l'encyclopédie collective gratuite et libre se réalisait-il avec Wikipedia ? Sa non fiabilité à 100% en faisait-il un objet condamnable ?
D'autres questions véritablement liées à l'apprentissage se posaient. Comment pallier aux difficultés de la lecture sur écran ? Comment faire pour que les informations trouvées se transforment en connaissances ? Comment dépasser le copier-coller ?
D'autres encore liées à la possibilité pour tous de publier. Comment former à la publication sur internet ? Comment apprendre aux élèves à maîtriser leurs traces ? Comment se construire une identité numérique positive ?
Et tant d'autres...
Depuis que j'en entrepris ce chantier de comprendre ce à quoi je devais former mes élèves, je ne suis plus capable de concevoir qu'on remette en cause notre mission d'enseignement. Car si on nous l'otait, ce serait abandonner cette exigence de formation des futurs citoyens que sont nos élèves. Ce serait abandonner la principale mission de l'Ecole.
Et c'est une question qui dépasse, de loin, la seule question de notre profession...