Voilà cinq ans que je travaille avec les élèves sur la question des traces et de l’identité numérique. Et depuis cinq ans cette question me préoccupe même si je sens l’utilité civique et sociale de mes interventions. Je fais passer des informations, j’ai un rôle d’animatrice voir d’éducatrice. Mais en quoi mon rôle se distingue-t-il de celui des intervenants des sociétés privées dans les établissements scolaires ?
Ai-je vraiment un rôle d’enseignante ? Oui sans doute mais dans ce cas : qu’est-ce que j’enseigne ?
Pour les professeurs des autres disciplines, anciennes et instituées, c’est une question qui ne se pose pas. Mais pour nous, prof-docs, en charge d’une discipline en construction, elle s’impose.
Alors que j’étais en plein dans la construction de mon projet Identité Numérique de l’année avec les 3èmes (co-construction avec mon collègue de Technologie), que je gardais dans un coin de la tête ma question toujours présente, j’ai lu hier soir l’article publié par André Tricot dans le dernier numéro de Mediadoc.
Et tout s’est éclairé.
Dans cet article, extrêmement riche et instructif, un passage en particulier est venu répondre à mon interrogation du moment. André Tricot explique que l’acte d’enseignement est basé sur des tâches à réaliser. La réalisation de ces tâches amène l’élève à mettre en place des processus d’apprentissage qui permettent l’acquisition de connaissances.
On distingue six types de connaissances classées en deux groupes : les savoirs (connaissances déclaratives) et ce que j’appelle des savoir-faire mais le terme est impropre (connaissances procédurales).
Jusque là, rien de très complexe.
Dans chaque groupe on note une gradation du spécifique au général :
Connaissances déclaratives :
1er degré : savoir mémorisé par cœur
2ème degré : compréhension
3ème degré : concept
Connaissances procédurales :
1er degré : automatisme
2ème degré : savoir-faire (une tâche précise)
3ème degré : méthode transférable à une situation nouvelle
Si « j’intuite » bien le propos, pour réussir un enseignement, il est utile d’être au clair sur les connaissances que l’on veut que les élèves acquièrent et surtout de faire en sorte :
- de viser des connaissances de natures différentes
- de faire attention à l’articulation entre ces connaissances
Ayant compris cela (je crois) j’ai eu envie de le tester sur mon activité « Identité numérique ».
Dans ce projet réalisé en cours de Technologie, les élèves de 3ème vont (tâches) :
1. Réaliser un questionnaire d’enquête sur les pratiques numériques, le soumettre à tous les élèves du collège, le dépouiller et en communiquer les résultats
2. Etudier le site de la CNIL
3. Faire des recherches sur une personnalité (Yannick Noah) et comprendre comment on peut se créer une bonne identité numérique (site officiel, Wikipedia, presse…)
4. Assister à l’intervention d’un gendarme concernant l’utilisation des réseaux sociaux
5. Créer un diaporama présentant la notion d’Identité numérique et comment la maîtriser
En termes de connaissances, si je reprends l’organisation donnée par André Tricot, voilà où nous en sommes :
Connaissances visées concernant le projet Identité Numérique en 3ème :
Connaissances déclaratives :
1er degré : mémorisation par cœur : définition d’identité numérique à connaître
2ème degré : compréhension : comprendre la définition d’identité numérique, le rôle de la CNIL, que l’intention de publication influe sur l’information publiée, le fonctionnement de Wikipedia
3ème degré : concept : Identité, information, publication, source, auteur
Connaissances procédurales :
1er degré : automatisme : utiliser un pseudonyme lors d’une publication en ligne (là je ne suis pas sûre de moi, est-ce un automatisme ?)
2ème degré : savoir-faire (une tâche précise) : savoir paramétrer son compte Facebook, surveiller ses traces, se construire une identité numérique positive, retrouver les informations dans un site (utilisation du menu et des hypertextes)
3ème degré : méthode transférable à une situation nouvelle : savoir identifier la source d’une information (auteur, éditeur), percevoir l’intention de publication et utiliser ces éléments pour évaluer la qualité d’une information
Voilà, j’y suis arrivée ! (Même si il y a sans doute des erreurs… Et j’accepte toute critique me permettant de les pointer)
N’empêche, grâce à l’article d’André Tricot, je sais aujourd’hui que j’enseigne quand je travaille sur l’Identité numérique. Alors, très sincèrement, merci !
Son site perso : http://andre.tricot.pagesperso-orange.fr/